d'enfance...

j’avais une ombre
dans l’aumonière
ou quintette d'osselets
un jeu je pense
et comme souvenance
carré de femmes pour y modeler leurs nuques
penchées sous l’eau d’amande

j’avais un puits et cent fleurs à jeter
dans un jardin humé puis étanché
comme pétale on ne dit rien des courses
lente de feu et d’écheveaux venteux
dénoué quand l’ennui s’épuise
dans la joie

j’avais un rire, un rien, une escarmouche
de poussière
l’œuf à peine éclos de la jouissance
entre mes Sambres et mes Meuses natales
ma ville aux deux rivières
sous les sabots des quatre cavaliers

j’avais à boire, souvent
des quenelles de résines
à sucer quand l’air manquait au venir
sous la torpeur muette
de l’attente

toi, tu jouais de fines pantomimes
des scénettes dont on suivait les fils
à t’aimer on rencontrait dédale
Icare sombrait pur et nu
dans l’eau savonneuse
d’un débarbouillage de joie

j’avais à tendre, comme on s’érige entier
j’avais à créer le milieu du désir
le souffle cuisiné longtemps
sous le menton d’aventures menues
comme la goutte qui goutte
et roule
la longueur d’un cou fléchi
par l’encens des soleils
criés.

Chère Florence,
Merci pour ce texte dense qui éclot au fil des répétitions "j'avais". Je n'ai pu m'empêcher de penser au poème "enfance" d'Arthur Rimbaud, souvenirs évoqués en images abstraites et successives.

Citation :

j’avais à tendre, comme on s’érige entier
j’avais à créer le milieu du désir
le souffle cuisiné longtemps
sous le menton d’aventures menues
comme la goutte qui goutte
et roule
la longueur d’un cou fléchi
par l’encens des soleils
criés.

C'est superbe.

Amicalement

eve

Merci evelange,

j'ai été me plonger dans "enfances " d'arthur, suivant cette piste. j'avais du parcourir cela moi-même encore trop proche de l'enfance pour en garder un souvenir marquant. Maintenant, en effet, le "procédé" d'évocation semblable me saute aux yeux, le talent d'arthur en moins pour moi ;-)

une bonne adresse :

http://abardel.free.fr/petite_anthologie/enfance.htm

Chère Florence,
Je crois que les réminiscences amènent à ce procédé : expression de sensations successives qui reviennent par flash, les cinq sens en éveil.
Merci pour le lien, c'est une mine !

Amitié

eve

Des sensations successives, oui, qui s'unissent les unes aux autres.

"j’avais une ombre
dans l’aumonière
ou quintette d'osselets
un jeu je pense"

Un jeu d'ombres, de mémoire...et de rythme.

"j’avais un rire, un rien, une escarmouche
de poussière"

J'aime particulièrement cet improbable, cette innocence (ou discrétion) du souvenir, cette poussière comme en retrait, comme un presque rien.

Enfin,

"J'avais à créer le milieu du désir"

Tout cet avenir, il me semble...

Favirol

Bonjour Clepsydre,
j'accorde de l'importance à l'"acoustique" des mots, et dans ton texte, ce que je retiens est la "musicalité" ; celle qu'on trouve dans la prononciation même des mots, lorsqu'on lit à haute voix

Bonjour Corinne,

oui, tu as raison, c'est un des travail que je fais et cela rejoint unh commentaire qu'une autre personne m'a fait récemment sur cette musicalité!

merci de ton commentaire,

Clepsydre