La pluie qui vient sèche les morts qui veilleront sur notre lit.
Elle balance des gerbes de fer sur les vitres qui se salissent et les grenouilles, petites reines, cheminent le soir vers un réveillon d’insectes. La pluie qui les harcèle agite les fleurs qui restent dans ce jardin de déséquilibre que l’orage saccage. Les murs, les plantes de la maison et du dehors disent le temps qui passe et que tu retiens, sans résultat. La colère et la force gaspillées te tiennent lieu de conquête et de guerre. L’éclat de tes envies, le grain de fou qui m’emprisonne ne peuvent rien contre le vent et la marée, la lune qui monte et descend, le soleil qui brûle et le chien noir qui mord et hurle la nuit venue.
Je crie, je mens et tu me mords beaucoup. Que faire pour cacher les rancunes et les voluptés de feu et de glace, lourd chemin de croix sur la volonté. Le mur et les plantes sous la couverture sont un enchantement. Nos relations sont affaire de naissance, et du goût qui dans son aventure enferme une simple folie. Il est un vent d’angoisse qui appelle la mort et les cailloux, le sable des anciens qui traîne et le vin aigre doux des plantes arrachées. Le cri qui perce et brise la clarté de nos adieux est un voile de gel sur un volcan qui jaillit de la plainte des avalanches de grain jeté et de fleurs qu’on arrache au jardin du déséquilibre. Il pique les mains et les pieds de qui se bouscule dans un lit de feu et d’autorité.
Ton rêve est le gardien de notre vie que tu forces dans un cri. Il y a loin de ton ardeur à tous les rêves, les plans tenus et affichés, les abandons et les secrets. Le temps qui passe freine les objets et la surprise de l’été. Le salut de ton arc est absence de raison, chanson dans les églises les jours de noces. L’amour est là, sur ce volcan que tu embrases sans cesse et sans retenue, tu cries, je meurs et tu sanglotes dans un éclair de soie dorée qui enveloppes tant de choses, des plus graves aux plus aérées. Ta vie et la mienne se gênent et se complètent je vole toujours quelque chose et tu me caches le temps qui passe et s’enrobe dans l’écarlate du plaisir. Le rien qui ne se dit jamais est une force. Succomber, être surpris sur la route par des nuées d’insectes que l’on claque dans les mains et sur le front, les membres durs, la langue pendante avec un fil de salive qui glisse dans l’obscurité de l’étrange duel qui se prolonge à l’horizon. Tout cela est une affaire à finir dans le sang de la légende des deux qui s’aiment et s’enchantent en restant aveugles, sourds et muets longtemps. La vie transfigure la clarté du jour qui suit encore le jour suivant, qui se prolonge et palpite dans ce jardin plein de déséquilibre, sur ces murs, sous ces plantes, ces herbes et ces fleurs que l’on arrache et que l’on brûle une année de plus.
Le vertige brille dans tes yeux gris et bleus de pervenche et de furie.
28 Octobre 2003.