Aucun risque de se perdre dans les dédales de ce disque. Le chemin est très clairement balisé. Peut-être trop. Treize années après le bien nommé Liberation, l'album qui l'avait révélé, Neil Hannon, plus connu sous le nom de Divine Comedy, ne s'est guère éloigné de ce port d'attaches. Cela ne gènera pas l'auditeur qui le découvre aujourd'hui, mais les fans de la première heure auraient sans doute aimé un peu plus d'audace, de surprise, de nouveaux horizons. N'est ce pas ce goût de fraîcheur et d'inédit - en pleine mode grunge post-Nirvana - qui avait rendu si séduisante le lyrisme suave de Liberation ?
Ici, dès le début de Victory for the comic muse, on se retrouve en terre connue. La voix féminine parlée qui fait office d'introduction au disque renvoie directement à celle qui ouvrait Fin de siècle, en 1998, tout comme son titre - référence au roman Chambre avec vue de E.M. Forster - rappelle de façon troublante celui du premier mini-album de Divine Comedy, Fanfare for the comic muse. Neil Hannon veut-il ainsi nous signifier que la boucle est bouclée et que Victory... pourrait être le chant du cygne de son groupe ou simplement régler ses comptes avec une époque qu'il a depuis longtemps reniée ? Mystère.
Quoi qu'il en soit, son talent d'auteur-compositeur est toujours aussi évident, même si c'est la première fois en huit albums qu'il introduit parmi ses propres compositions une reprise - en l'occurence, celle du Party fears two, des Associates. La voix également est intacte, celle d'un crooner séducteur auquel il ne ressemble guère physiquement, chaleureuse et précieuse comme jamais. Autour d'elle, la musique, mélodieuse à souhait, orchestrale et donnant volontiers dans la grandiloquence, est un parfait écrin. Après une ouverture menée allegro (To die a virgin), le rythme se ralentit et c'est sans doute dans ses ballades nostalgiques (A lady of a certain age, The light of day) que l'organe vocal de Neil trouve son terrain de prédilection.
Sur la pochette du disque, un timbre-poste monochrome montre un héros, sans doute un aviateur, débouchant une bouteille de champagne sous les vivats après quelque sublime exploit. Ses traits sont ceux de Neil Hannon, cet éternel jeune homme de bientôt trente-six ans qui semble lui-même réclamer sa place au panthéon de la pop music. Jamais sans doute sa musique n'a montré avec une telle acuïté son aspiration à la beauté parfaite, à l'intemporalité. Et c'est bien le secret de Divine Comedy que de savoir verser dans le sentimentalisme sans jamais basculer dans le mièvre.
G.W.
The Divine Comedy
"Victory for the comic muse"
Parlophone, 2006