« You sound dead sixties ! » (« Tu sonnes sixties à mort ! ») C’est - paraît-il - une expression courante dans les rues de leur cité et elle a inspiré aux Dead 60s le choix de leur magnifique patronyme. Pourtant, leur musique semble plutôt déclarer : « mort aux sixties ». Et lorsque que quatre garçons de Liverpool veulent devenir des rock stars, les idoles à tuer s’appellent bien sûr John Lennon et Paul McCartney. Prenant le parfait contrepied de Lee Mavers et de ses La’s, auteurs d’un album époustouflant mais resté sans suite au début des années 1990 et défenseurs ayatollesques du temple beatlesien, les Dead 60s de Matt McManamon (non mais, quel nom, je vous jure !) ont choisi d’ouvrir leur manuel d’histoire du rock à une toute autre page. Quelque part à la charnière des années 70 et 80, au beau milieu du maelström bouillonnant de la révolution punk ! Les emblématiques Sex Pistols en formait la ligne dure, celle qui, restée fidèle au principe des trois accords entourés de beaucoup de cris, déboucherait sur le rock hardcore américain (Dead Kennedys, Bad Religion et consors).
Mais l’époque était aussi à la redéfinition des frontières et d’aucuns rêvaient de fusionner le rock blanc avec les musiques noires. Les Specials reprenaient à leur compte les standards jamaïcains de Prince Buster ou Dandy Livingstone, donnant naissance à la version européenne du ska, tandis que Grace Jones donnait sa version du She’s lost control de Joy Division, devant la plus exotique des icônes new wave. De leur côté, les Ruts mêlaient sans complexe rock sauvage, reggae et dub, pendant que les Clash revisitaient Lee Perry tout en appelant au rejet du système et à l’émeute. Loin de réinventer la roue, les Dead 60s se situent au contraire dans le prolongement exact de cette tradition ska/rock. Leur album ne s’ouvre-t-il pas sur un Riot radio dans lequel on est obligé de voir un descendant du White riot de leurs illustres prédecesseurs ? Et est-ce vraiment un hasard si le disque se referme sur You’re not the law, écho ironique du I fought the law popularisé en leur temps par Mick Jones et sa bande ?
Suceurs de roue, diront les grincheux ! Et si l’on voyait les choses autrement : ceux qui auront écouté avidement Dead 60s découvriront un jour leurs aînés, tout comme les fans de Franz Ferdinand se pencheront sans doute sur Joy Division. En musique comme ailleurs, l’histoire se répète : à défaut d’être de géniaux inventeurs, les Dead 60s sont des passeurs de témoins plus qu’honorables. Ludiques, limpides, entraînantes, lascives, leurs chansons défoulent les esprits et font onduler les corps. On leur souhaite longue vie.
G.W.
The Dead 60s
« The dead 60s »
(Epic, 2005)