"L'expérience qui consiste à voir, entendre, expérimenter quelque chose que nous connaissons déjà mais que nous ne savons pas tout à fait savoir peut être décrite comme reconnaissance impropre.
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John Giorno, dans son oeuvre, ses premières oeuvres utilisait des journaux, publicité et la TV pour ajuster un montage de mots et d'images qui produisait l'expérience du déjà vu chez le lecteur ou l'auditeur par ce qu'il avait vu ou entendu le matériau originel dans un contexte différent.
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La répétition qui caractérise la poésie de John Giorno est enracinnée dans la nature même du langage. [...] Vous vous réveillez. Vous allez à la banque. Combien de fois allez-vous vous répéter "Je dois aller à la banque aller à la banque la banque la banque" [...] Oui nos esprits résonnent bien de cette façon et la reconnaissance implicite de ce fait entraîne un sentiment de libération"
Préface de William S.BURROUGHS (1979)
Il m'a semblé plus éloquent de transcrire une partie de la préface de William S.BURROUGHS introduisant ce recueil si frappant, tant elle est vraie.
La poésie de John Giorno est comme un virus qui vous pénétre entier. Il confère une consistance sans précédent au réel, le maintient durement dans sa poigne, le répétant et le répétant comme par peur qu'il se perde mais surtout pour que nous reconnaissions là sa présence tant négligé.
C'est un martélement qui prend pour expérience l'homme dans son ressenti immédiat, irréfléchi. Ainsi Suicide Sûtra, poème introductif, sorte de rite de passage, nous incite à participer au texte, pas seulement de lire mais d'intensifier notre corps, à répondre physiquement aux mots, d'être le centre de ce déjà vécu partiel.
En somme John Giorno nous enjoint de combler le vide de notre propre absence, absence aux choses, aux gestes,aux instants, à nous-même.
Favirol