Jane Birkin reprenant Kate Bush ? A priori, voilà qui fleure la mauvaise blague. Pourquoi pas Elie Semoun reprenant Leonard Cohen, tant qu'on y est ! Avec son filet de voix mince comme celui d'un robinet d'hôtel Formule 1 (ça, c'est du vécu), la plus française des chanteuses anglaises ne peut guère rivaliser, en effet, avec l'exceptionnel organe soprano de sa compatriote qui, à vingt ans à peine, connut un succès foudroyant dès son premier single, Wuthering Heights, en 1978.
Mais voyons le bon côté des choses. Après avoir adapté des chansons de Gainsbourg à la sauce orientale sur Arabesque (2002), Jane a - enfin - réussi à s'affranchir de l'ombre (forcément immense, à cause des oreilles décollées) de l'homme à la tête de chou. Pour son précédent album, en 2004, elle avait déjà donné Rendez-Vous à une pléïade d'interprètes prestigieux (Bryan Ferry, Alain Souchon, Miossec, Caetano Veloso, Paolo Conte et bien d'autres) pour une série de duos. Cette fois-ci, elle s'est attaché les services de la fine fleur de la jeune génération de l'internationale pop. Hormis les reprises (Kate Bush, donc, mais aussi Tom Waits et Neil Young), on trouve ainsi sur Fictions des compositions de Neil Hannon, l'âme de Divine Comedy, Arthur H, Cali, Dominique A ou encore du new-yorkais Rufus Wainwright, auteur de quatre albums de pop lyrique et raffinée, qui brode ici une jolie balade sur la base du Waterloo Sunset des Kinks.
Et il faut avouer que les chuchotis de l'ex-Madame Gainsbourg, alternant anglais et français, trouvent dans cette délicate collection de chansons un écrin plutôt seyant. Habillée avec goût, sa voix si ténue compte plus sur son charme que sur ses performances et donne au disque une saveur docue-amère d'été qui finit ou d'automne qui commence. Un album de saison, donc !
G.W.
Jane Birkin
"Fictions"
(EMI, 2006)